Bodychart Kiné : l’outil visuel indispensable pour objectiver et suivre la douleur

Vous pensez que l’EVA suffit pour comprendre la douleur de vos patients ? Attendez de voir comment un simple bodychart kiné révèle des informations que ni mots ni chiffres ne sauraient capter. Trois minutes de coloriage, et votre bilan change de dimension : découvrez pourquoi dans notre guide complet (PDF gratuit inclus).

Bodychart kiné : un outil essentiel pour évaluer la douleur


Comprendre et traiter la douleur de manière précise et efficace est un défi quotidien pour les kinésithérapeutes. Les outils "classiques" d’évaluation de la douleur, comme l’échelle visuelle analogique (EVA) ou l’échelle numérique de 0 à 10, ont le mérite d’être rapides et simples. Cependant, ils restent très limités ; ils fournissent une intensité globale, sans information sur la localisation précise ni la nature des douleurs. Pour aller plus loin dans l’évaluation, un outil visuel se révèle particulièrement utile : le body chart, ou diagramme corporel de la douleur. Ce schéma du corps humain où le patient colorie ses zones douloureuses permet une cartographie détaillée de ses symptômes. Simple d’apparence, il s’avère redoutablement puissant pour améliorer la compréhension et le suivi de la douleur.

Dans cet article, nous vous présentons le body chart popularisé par Mark Laslett, un clinicien-chercheur spécialisé dans les troubles du rachis. Sans plonger dans les neurosciences complexes de la douleur, découvrons ensemble comment ce schéma corporel à colorier peut enrichir considérablement vos bilans kiné !

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Qu’est-ce que le bodychart en kinésithérapie ?

Le body chart est un schéma du corps humain (de face et de dos) sur lequel patient et thérapeute peuvent dessiner ou colorier les zones où le patient ressent des douleurs, des sensations ou des gênes. Cet outil permet de localiser précisément les symptômes rapportés par le patient et de documenter leur nature. Afin de mieux distinguer les différents types de douleur, Mark Laslett a conçu un code couleur qui rend la lecture du body chart très parlante. Chaque couleur correspond à un type de sensation particulier :

  • 🔴💥Rouge : douleur aiguë, vive (coup de poignard, pincement, élancement). C’est souvent la douleur principale qui amène le patient à consulter (souvent de nature nociceptive).
  • 🔵❄️🔥Bleu : sensation de chaud ou de froid. Ce type de ressenti peut orienter vers un problème vasculaire ou une atteinte des petites fibres nerveuses.
  • ⚫️Noir : engourdissement, anesthésie, perte de sensation. Ces signes doivent alerter le thérapeute, car ils évoquent une possible neuropathie sous-jacente. Par exemple, la présence de zones en noir pourra inciter à approfondir l’examen neurologique (test des réflexes, sensibilité) ou à utiliser un questionnaire spécifique comme le DN4.
  • 🟡Jaune : douleur profonde, diffuse, difficile à localiser précisément. Ce sont typiquement les douleurs sourdes, les « barres » ou « courbatures » que décrivent certains patients.
  • 🟢⚡Vert : sensation de fourmillement, picotements, éventuellement décharge électrique. Ce type de sensation peut faire évoquer une irritation nerveuse.
  • 🟤🪢Marron : raideurs, tensions musculaires, sensation de fatigue ou autres sensations non classables ailleurs.

Le résultat est un diagramme corporel complet en couleurs, réalisé conjointement par le patient et le kiné. En quelques minutes, le body chart fournit un instantané visuel de tous les troubles déclarés par le patient, bien au-delà de ce qu’une simple note sur 10 peut révéler. Mark Laslett a généreusement autorisé l’utilisation et la diffusion de son body chart ; il est ainsi utilisé dans certaines applications de bilan numérique (notamment l'application Kobus).


Pourquoi utiliser le bodychart dans votre bilan ?


Tracer le dessin de la douleur de votre patient apporte de nombreux bénéfices en pratique. Voici les principaux avantages du body chart pour le kinésithérapeute :


Le patient exprime mieux sa douleur :

De nombreux patients ont du mal à décrire avec des mots ce qu’ils ressentent. En revanche, certains parviennent très bien à localiser intuitivement leurs douleurs sur un dessin. Le simple fait de colorier toutes les zones où ça ne va pas leur donne le sentiment d’être vraiment écoutés. Ils osent même signaler des problèmes qu’ils n’avaient jamais verbalisés auparavant. Par exemple, l’une de mes patientes suivie pour le dos n’avait jamais mentionné à son médecin qu’elle souffrait d’une insensibilité sous le pied. En remplissant le body chart, elle a spontanément dessiné cette zone d’anesthésie qui la préoccupe. Ce simple dessin lui a permis d’exprimer un symptôme resté jusque-là sous silence, sans avoir à trouver les mots pour le dire.


Il affine le diagnostic kiné :

Une fois que le patient a dessiné toutes ses douleurs, le body chart aide le thérapeute à mieux interpréter ces informations. On peut plus facilement distinguer les problèmes sous-jacents : par exemple faire la part entre une douleur musculaire, une atteinte articulaire ou neurologique. Le body chart permet en quelque sorte d’effectuer un tri initial des hypothèses diagnostiques. Il n’est pas rare de découvrir que la douleur désignée par le patient sur le schéma ne correspond pas exactement à celle annoncée verbalement. Je me suis déjà retrouvé avec un patient qui se plaignait de l’épaule, mais dont le dessin montrait principalement une douleur cervicale. Ce genre de discordance orientera immédiatement votre examen clinique : dans ce cas, il était plus pertinent de concentrer l’évaluation sur le rachis cervical que sur l’épaule. De même, certaines indications sur le body chart, comme des zones d’engourdissement en noir, vont éveiller votre vigilance et vous pousser à tester la fonction nerveuse plus en profondeur.


Il assure un suivi évolutif précis :


Le body chart offre un support visuel idéal pour documenter l’évolution des douleurs au fil du temps. En comparant les schémas remplis lors des différentes séances, vous voyez rapidement si les zones douloureuses rétrécissent, changent de nature ou au contraire s’étendent. Cela permet de mesurer objectivement l’effet de vos interventions. Par exemple, j’aime ressortir le body chart initial après quelques semaines pour montrer à mon patient le chemin parcouru. Plus d’une fois, cela m’a évité des malentendus : à l’issue de son traitement, un patient me disait ressentir « toujours la même douleur à l’épaule », alors qu’en réalité sa douleur initiale – située principalement dans le cou – avait totalement disparu et qu’il ne restait qu’une gêne à l’épaule apparue en cours de rééducation. Sans le tracé précis du départ, difficile pour le patient (et pour le thérapeute) de se souvenir de tous les symptômes précédents !


Il aide à démêler des douleurs chevauchantes :


Le dessin corporel permet de faire la part des choses lorsque plusieurs pathologies coexistent dans la même zone. Par exemple, chez un patient opéré du genou, le body chart aidera à différencier ce qui relève des douleurs résiduelles de la chirurgie de ce qui peut correspondre à une nouvelle lésion musculo-squelettique. En visualisant clairement les zones douloureuses, on peut mieux attribuer chaque portion du schéma à tel ou tel problème, ce qui évite des confusions diagnostiques et des traitements inadéquats.


Il intègre la dimension psychosociale :


Dans le cas des douleurs chroniques, le body chart peut même fournir des indications sur la composante psychosociale de la douleur. Des schémas très diffus ou atypiques peuvent évoquer une part non organique de la douleur, comme cela a été décrit dans certaines études sur les pain drawings chez les lombalgiques chroniques. Cela ne remplace pas un examen psychologique approfondi, mais c’est une alerte supplémentaire qui incitera à une prise en charge plus holistique du patient.


Il facilite la communication avec vos confrères :

Enfin, le body chart constitue un support de communication précieux avec les autres professionnels de santé impliqués dans le suivi du patient. Un coup d’œil à ce schéma en couleurs permet au médecin prescripteur, au chirurgien ou à un confrère kiné de saisir immédiatement l’état douloureux du patient. Cela favorise une meilleure coordination des soins et évite de longs discours pour expliquer ce que le patient ressent : le dessin parle de lui-même.


Comment utiliser le body chart au quotidien ?


L’intégration du body chart dans votre pratique de kinésithérapie est simple et ne prend que quelques minutes par patient. Voici quelques conseils pour en tirer le meilleur parti :

  • Faites-le remplir dès la première séance : Idéalement, remettez le body chart au patient dès son arrivée à votre cabinet. Vous pouvez le faire remplir dans la salle d’attente ou au début de l’entretien. Demandez-lui de colorier toutes les zones douloureuses ou gênantes qu’il ressent, en respectant le code couleur de la légende. Sur support papier, prévoyez des crayons de couleur assortis. Sur support numérique (tablette, ordinateur), certaines applications proposent cet outil en version interactive, ce que les patients apprécient généralement (beaucoup trouvent cela ludique).
  • Interprétez-le ensemble : Une fois le schéma complété par le patient, prenez le temps de le parcourir avec lui. C’est l’occasion de revenir sur chaque zone coloriée et de faire préciser la nature de la douleur (intensité, fréquence, facteurs aggravants ou soulageants). Ce dialogue guidé par le body chart permet souvent de faire émerger des détails importants passés sous silence lors de l’interrogatoire initial.
  • Combinez avec l’examen clinique : Utilisez les informations du body chart pour orienter votre examen physique. Par exemple, si le patient a colorié une douleur en bas du dos en rouge, vous pourrez peut-être prioriser les tests de mobilité et de palpation sur la colonne lombaire et les muscles paravertébraux. Si des zones en noir indiquent des engourdissements, vous allez compléter votre bilan par des tests neuro (réflexes, sensibilité) sur les territoires concernés. Le body chart agit comme une boussole : il guide vos investigations cliniques vers les régions pertinentes dès le départ.
  • Documentez l’évolution : Conservez précieusement le body chart initial dans le dossier du patient (ou dans son dossier numérique si vous utilisez un logiciel). À chaque réévaluation importante (par exemple, en milieu et en fin de prise en charge), faites-le remplir à nouveau ou mettez-le à jour. Vous disposerez ainsi d’une série de schémas permettant de visualiser l’évolution des douleurs : diminution, disparition, déplacement ou apparition de nouvelles sensations. Cette comparaison objective est très parlante pour le patient comme pour le thérapeute, et permet d’ajuster la stratégie thérapeutique si nécessaire.
  • Capitalisez sur votre expérience : Plus vous utiliserez le body chart, plus vous allez développer votre œil clinique en interprétant les schémas. Avec le temps, vous reconnaîtrez certains patrons de douleur typiques qui reviendront d’un patient à l’autre. Par exemple, la présence de douleurs diffuses bilatérales aux membres inférieurs pourra évoquer un syndrome de sensibilisation centrale ; des douleurs projetées en ceinture autour de la taille pourront faire penser à des douleurs référées d’origine rachidienne, etc. Apprendre à repérer ces schémas récurrents fait gagner un temps précieux dans l’orientation diagnostique. En formation McKenzie par exemple ou dans celles de Mark Laslett lui-même, il est souligné à quel point ce diagramme est utile pour identifier rapidement la nature d’un problème. Il dit utiliser ce système de body chart au quotidien dans sa clinique et l’enseigner à tous les kinés qu’il forme.

Au final, utiliser un body chart pour vos patients ne requiert que quelques minutes, mais peut grandement améliorer la qualité de votre bilan. C’est un outil simple dans son principe, mais d’une richesse insoupçonnée pour guider votre prise en charge. Une fois adopté, vous aurez du mal à vous en passer tant il apporte de la clarté à l’évaluation de la douleur.


Téléchargez le body chart (PDF)


Prêt à essayer le body chart avec vos patients ? Pour vous faciliter la tâche, nous mettons à votre disposition un body chart vierge inspiré de celui de Mark Laslett. Vous pouvez télécharger gratuitement ce schéma corporel en PDF et l’imprimer.

N’hésitez pas à le distribuer à vos patients ou à l’utiliser sur tablette pour en conserver une copie numérique.