Faire le point sur ses compétences en kiné

Je me suis toujours dit qu’il était parfois difficile de juger objectivement ses propres compétences. Et depuis que j’ai pu enseigner en formation initiale kiné, je mesure à quel point les processus d’apprentissage et d’enseignement devraient être ultra personnalisés pour s’adapter à chacun.

Par exemple, à titre personnel, j’ai toujours eu une énorme soif d’apprendre, par contre j’ai toujours été incapable d’apprendre sans expérimenter, sans comprendre ou même sans que ce soit un sujet d’appétence du moment.

Mais avec ce mode de fonctionnement, comment tu fais pour apprendre le choses que tu n’aimes pas ? pour comprendre les choses qui nécessitent du temps pour être appréhendées ? ou pour te passionner pour un nouveau sujet sur lequel tu as des a priori infondés ?

Et c’est même problématique quand il s’agit d’apprendre des choses non pas pour soi mais pour améliorer les plaintes des patients si cela ne te passionne pas.

L’idée au final derrière tout ça c’est la question de la compétence, comment devenir compétent sur un sujet ? Ou comment être compétent sur toutes les problématiques que l’on rencontre au cabinet ?

Dans une optique où vous voulez progresser tout au long de votre carrière de kiné, où vous souhaitez soigner de mieux en mieux vos patients et peut-être même de plus en plus de problématiques différentes… et bien, nous n’avons d’autre choix que d’améliorer nos compétences.

Pour parler d'amélioration de nos compétences en kiné par la formation continue, je vais m’appuyer sur le modèle de compétence de Noel Burch, il est aussi appelé “matrice de compétence”. C’est un modèle qui date des années 70, mais il est assez sympa pour nous aider à comprendre comment on peut progresser en tant que kiné.

Le modèle présente 4 étapes relatives à notre niveau de compétence sur une problématique donnée, et plus on monte en compétence et plus on passe les étapes.

Etape 1 : L’incompétence inconsciente

Ce qui est assez rigolo, c’est que l’étape 1 est certainement la plus dangereuse pour nos patients, la plus utile et urgente à dépasser et pourtant c’est celle que nous ignorons complètement. En gros, sur certains paramètres donnés ou même sur un sujet entier, nous ne savons même pas que nous sommes incompétents.

Prenons, un petit exemple, j’essaie de manager la rééducation et l’entraînement d’un coureur qui se blesse souvent et j’ignore totalement l’existence du RED-S (relative energy deficiency syndrom). Et bien je vais développer mes meilleures compétences pour lui sans même savoir que je passe complètement à côté de l’origine de son problème. Dans ce cas, comment faire pour choisir de se former sur le sujet si même votre intuition ne vous dit pas que votre ignorance du sujet est responsable de la mauvaise prise en charge de votre patient ?

En gros je suis nul et je ne le sais même pas!

Face à cette incompétence inconsciente, il peut pourtant y avoir des solutions, s’informer régulièrement de ce qui se passe dans la profession, parler de vos patients à vos collègues, rencontrer des experts de votre domaine, adopter un esprit critique pour ne pas pêcher par orgueil et certitude. Les bilans de compétences, les audits cliniques ou le mentorat peuvent servir à ça. Mais aussi les conférences, les congrès, les workshops ou webinaires. [Lien  vers évènements]

Etape 2 : L’incompétence consciente

Quand une incompétence passe d’angle mort à votre conscience, c’est ce que Burch appelle l’incompétence consciente, je vous cache pas que c’est l’étape la plus difficile pour l’estime de soi.

D’ailleurs si vous avez une faible estime de vous, vous voyez certainement beaucoup plus les sujets sur lesquels vous êtes nuls plutôt que ceux sur lesquels vous êtes compétents, c’est typiquement mon cas.

Le gros avantage de cette étape d’incompétence consciente, c’est que ça peut être un excellent moteur de décision pour choisir sa prochaine formation kiné. Au mieux ça déclenche une appétence à corriger cela et donc à se former, au pire ça déclenche une grosse frustration, soit vous baissez les bras et vous cachez ça sous le tapis en jouant l’imposteur, soit vous arrêtez de prendre en charge des patients ayant qui pourraient pâtir de votre incompétence.

Etape 3 : La compétence consciente

Mais si vous êtes en train de lire cet article, c’est que vous êtes des supers kinés qui souhaitent s’améliorer et qui sont engagés dans un processus d’apprentissage.

Et c’est là que la magie commence à opérer, vous apprenez des choses, vous vous renseignez, vous vous formez. Et quand vous êtes face à votre patient, vous appliquez consciencieusement ce que vous avez appris. Vous observez les résultats, vous adaptez vos habitudes de travail, vous améliorez la santé de vos patients.

C’est l’étape de compétence consciente. Celle où vous savez que vous êtes dans un processus d’amélioraton de vos pratiques, c’est gratifiant quand vous avez des résultats, mais ça demande de l’énergie, vous êtes obligés de réfléchir à ce que vous faites pour ne pas tomber dans vos habitudes anciennes, pour que vos patients adhèrent à ces nouvelles compétences.

C’est aussi le moment où vous êtes hyper contents de partager vos savoir-faire avec vos collègues, vos stagiaires kinés, etc.

Etape 4 : La compétence inconsciente

Et puis c’est vraiment là que la magie opère, vous êtes devenus compétents dans le domaine et cela est presque devenu un automatisme, vous ne vous posez plus de question pour l’appliquer, c’est fluide et cela vous demande beaucoup moins d’énergie.

Vous pouvez même gérer plus de paramètres et vous rentrer dans la subtilité et la personnalisation de votre pratique vis à vis de votre patient.

Vous avez oublié tout le travail mis en place pour en arriver là.

C’est même parfois difficile de le transmettre à quelqu’un tellement c’est devenu intégré à votre pratique. Vous avez oublié la théorie mais vous en exécutez à merveille la pratique.

Alors c’est le moment de rechercher vos incompétences conscientes et de demander à ce qu’on vous mettent devant les yeux vos incompétences inconscientes et repartir dans un nouveau cycle d’apprentissage en faisant de nouvelles formations.

Mais n’oubliez pas qu’à côté, vous avez une vie, elle est précieuse et vous devez prendre soin de votre santé physique et mentale avant de prendre en soin celle de tous vos patients. Soignez cet équilibre et formez-vous quand la vie vous le permet.

https://www.researchgate.net/figure/Burchs-conscious-competence-model_fig2_334449760